Crédit photo: Pixabay

Votre organisation est-elle la cible de militants « woke » ?

Le retrait de la liste de lectures de François Legault par l’Association des libraires du Québec n’était pas la seule tentative de dirigeants qui ont tenté de régler rapidement une offensive de militants « woke » qui ont pris pour cible leur organisation.

La crainte d’une escalade de commentaires négatifs envers l’organisation peut amener l’équipe de gestion à croire que la seule issue consiste à obéir le plus rapidement possible aux exigences de ces personnes. Comme je l’exprimais dans un billet sur les Lucky Luke de la gestion de crise, cette façon de faire peut même venir aggraver le problème.

C’est quoi un militant « woke »?

Selon Wikipedia, une personne « woke » se définit comme étant plus consciente que d’autres des formes d’injustices et de toutes les formes d’inégalités, d’oppression qui pèsent sur les minorités, du racisme au sexisme en passant par les préoccupations environnementales.  Le terme Woke est non seulement associé aux militantismes antiraciste, féministe et LGBT, mais aussi à une politique de gauche dite progressiste et à certaines réflexions face aux problèmes socioculturels.

Autrefois marginale et surtout concentrée sur quelques campus universitaires américains, cette mouvance idéologique prend chaque jour une plus grande place dans les réseaux sociaux. Elle est bien installée au Québec depuis quelques années. Pensons notamment à l’annulation du spectacle «SLĀV» de Robert Lepage et Betty Bonifassi à l’été 2018.

Le militant woke ne s’identifie pas nécessairement avec ce nom. Il préfère habituellement se définir comme une personne progressiste qui « défend des minorités contre une majorité jouissant de privilèges ». Les entreprises et les organisations peuvent aussi devenir la cible de ces militants, surtout si elles se retrouvent à donner l’impression de ne pas assez aider des minorités ou si elles se lient avec une personnalité qui n’est pas jugée assez progressiste par les militants Woke.

Se faisant de plus en plus la chambre d’écho des positions extrêmes que l’on retrouve sur les réseaux sociaux, les médias traditionnels se retrouvent malgré eux à amplifier la portée de cette mouvance en donnant à ces militants une tribune providentielle qui leur donne plus de visibilité et de crédibilité que sur les plateformes numériques d’où ils proviennent.

Des dirigeants d’entreprise, voyant le phénomène se propager et gagner en crédibilité dans les médias traditionnels, tentent d’évaluer le risque de se retrouver à la une des médias à essayer de gérer une crise dont ils ne comprennent pas tout à fait les tenants et aboutissants. Leur crainte face à leurs stratégies de bannissement (cancel culture) est bien réelle. Pourtant, les entreprises sont généralement aguerries pour gérer efficacement les plaintes de consommateurs ou les commentaires de citoyens sur les réseaux sociaux. Mais elles n’ont pas prévu qu’elles pourraient se faire interpeller sur des sujets périphériques à leurs activités courantes pour lesquels elles n’ont préparé aucun argumentaire.

Barack Obama critique cette mouvance idéologique

Il y a un an, l’ancien président américain avait critiqué le phénomène lors d’un discours prononcé à un sommet de sa fondation à Chicago. « Il y a des gens qui pensent que pour changer les choses, il suffit de constamment juger et critiquer les autres », avait-il dit en dénonçant ce qu’il lisait trop souvent sur Twitter. « Ce n’est pas comme ça qu’on fait changer les choses », disait-il en donnant l’exemple d’un militant qui ne fait que lancer des pierres ne contribue en rien au progrès d’une société.

Les deux types de militants qui interpellent les organisations

On peut tenter de classer les militants et activistes dans deux grandes catégories: le militant traditionnel et le woke.

Tout d’abord, il y a celui qui veut attirer l’attention d’une organisation sur un problème et il demande des actions correctrices de la part de celle-ci. C’est le militant traditionnel.

Certaines entreprises savent qu’il est préférable de développer un dialogue avec des groupes militants de cette catégorie. Pour bien comprendre les intérêts des uns et des autres, cela exige de prendre contact, d’entamer des échanges et peut-être même de prévoir des rencontres.

Cela n’empêchera pas nécessairement les groupes militants d’exercer des pressions, notamment par le biais des médias. Mais cette discussion bidirectionnelle permet de se rapprocher d’une solution de compromis qui pourrait être satisfaisante pour les deux parties. Les relations publiques permettent ce dialogue qui doit toutefois être articulé autour d’une solide stratégie.

Mais ce n’est pas comme cela que fonctionnent les militants woke.

Comme ces militants n’appartiennent pas à une organisation structurée (comme les groupes environnementaux, par exemple) les entreprises entendent parler des revendications de cette catégorie de militants qu’au moment où ils passent à l’attaque. Il peut être alors difficile pour certaines entreprises de les identifier adéquatement au préalable (cartographie des parties prenantes, un travail réalisé par les RP).

De plus, les militants woke ne revendiquent pas véritablement un changement qui soit atteignable et mesurable, et ils ne recherchent pas le dialogue non plus. Ils se contentent d’attaquer la crédibilité d’une personnalité ou d’une organisation en utilisant une méthode qui appelle au bannissement (cancel culture) : « retirez ce mot (ou cette liste de lectures) ou nous vous dénoncerons sans relâche ».

Si une organisation ne dispose pas d’un plan de gestion de crise, il est temps d’en rédiger un. Il est aussi impératif d’éviter de tenter de répondre aux demandes de ces militants « plus vite que votre ombre ». Cela peut aggraver la situation et placer votre organisation dans une situation encore plus délicate.

Comme chaque situation est unique, il est indiqué de faire appel aux spécialistes de Consulat RP dès le début de la crise… ou avant si vous voulez l’éviter!

Patrick Howe, PRP, ARP

 

Sources :

NY Times

https://www.nytimes.com/2019/10/31/us/politics/obama-woke-cancel-culture.html

Wikipedia

https://fr.wikipedia.org/wiki/Woke

Le monde diplomatique

https://www.courrierinternational.com/article/liberte-dexpression-les-mots-de-la-cancel-culture