L’étrange victoire déjà oubliée du caporal Horacio Arruda

Photo : Pixabay

Billet – le 14 mai 2020. Les effets positifs du confinement sont difficiles à percevoir par la population. Les courbes bougent sans cesse. Les données varient d’une semaine à l’autre et les prévisions sont plus ou moins optimistes.

Et depuis quelques jours, les statistiques laissent croire à un échec dans la grande région de Montréal. [On y reviendra dans un autre billet.]

La guerre n’est pas terminée. Mais le gouvernement aurait pu célébrer une victoire importante dans une bataille qui a été difficile. Une victoire méconnue qui ressemble à celle du film 1917 qui était sur nos écrans récemment. 

[Alerte au divulgâcheur si vous n’avez pas vu le film!]

Le film 1917 de Sam Mendes relate les exploits du caporal William Schofield chargé de transmettre un message au commandant du deuxième bataillon du Régiment de Devonshire afin de l’informer d’un piège tendu par les Allemands. Tout le film porte sur cette mission dangereuse qui permettra de sauver la vie de 1600 soldats britanniques.

Le caporal Schoefield, blessé par les balles tirées par des soldats allemands en traversant les lignes ennemies, a réussi à remettre son message au commandant du bataillon après une course effrénée à travers des obstacles mortels. Cet officier commandant, perplexe un moment, a fini par annuler l’offensive suicidaire de ses troupes après avoir pris connaissance de la missive tendue par le jeune messager.

Et… à part les deux autres personnes présentes dans le bunker du commandant, personne n’a rien su du geste posé par le caporal Schofield.

Pas même les 1600 soldats qui ont eu la vie sauve grâce à lui.

C’est un peu l’image qui nous est venue à l’esprit en entendant le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, il y a quelques semaines.

Le confinement aurait été un succès… méconnu et intangible

Le 25 avril, le directeur national de santé publique a annoncé que sa stratégie de confinement avait permis de sauver la vie de 30 000 à 60 000 Québécois.

[Parions que vous avez déjà oublié ce fait, mais… que vous connaissez par cœur les pas de danse de la vidéo virale pour le refuge des jeunes, pas vrai?]

Une précieuse cartouche tirée pour rien ?

Le problème derrière la déclaration du directeur de santé publique est le choix de la tactique.

En relations publiques, nous utilisons souvent la tactique de la tierce partie pour apporter une plus grande crédibilité à notre argumentation, à un produit ou à une organisation qui défend sa réputation.

On peut utiliser un sondage pour valider nos prétentions ou demander à un expert de donner son avis sur notre produit. On a aussi recours à des personnalités pour porter le message d’une cause, comme ces artistes qui nous ont rappelé l’importance de rester à la maison. Mais dans tous les cas, cet appui d’une tierce partie renforce et décuple la portée et la crédibilité de notre message.

Le simple fait que ce soit le Dr Arruda lui-même qui, au détour d’une phrase, a lancé ces statistiques sur ces milliers de vies sauvées, a pratiquement anéanti toute la charge émotive et spectaculaire de ce fait d’armes. Même s’il avait toutes les raisons d’en être fier.

Il n’y aura pas eu de « avant » ni de « après ». Pas de point charnière.

On peut imaginer que les choses auraient été différentes si c’était l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui avait affirmé que le Dr Horacio Arruda avait sauvé la vie de 60 000 Québécois.

On s’en serait souvenu.

Et on en aurait fait un héros.

Cela aurait pu représenter un moment charnière dans la stratégie de communication. Un moment d’arrêt très bref, mais salutaire, où on se serait permis d’articuler de nouveaux messages vers un déconfinement progressif en s’appuyant sur une victoire.

On aurait dit: bravo docteur ! Et on aurait offert une bière à ce héros au mess du régiment (la médaille aurait été remise après la guerre, évidemment). Ça aurait redonné du souffle à la campagne.

L’heure n’est évidemment pas aux cérémonies de victoire tant que la guerre n’est pas gagnée. Mais le succès de cette bataille du confinement dirigée par le Dr Arruda est encore méconnu. Hélas.

En voulant tirer trop rapidement une de ses précieuses cartouches, le gouvernement et la santé publique se sont privés d’une formidable opportunité de communication pour mobiliser la population avant d’entamer cette phase décisive du déconfinement.

Comme dans les films, la scène finale est toujours éprouvante et pleine de rebondissements. Mais après avoir gagné une bataille comme celle-ci, les soldats ont tendance à redoubler d’efforts pour gagner la guerre.

D’autres occasions se présenteront, car la guerre n’est pas encore terminée. Il faudrait juste saisir ces possibilités pour souligner au bon moment les succès du Dr Arruda… en l’aidant un peu plus dans ses communications.

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Patrick Howe, PRP, ARP

Spécialiste en affaires publiques et en communication corporative chez CONSULAT RP