Photo: Carolyn Kaster/The Associated Press

Cinq clés pour comprendre le succès de Doomsday Clock

Le concept de relations publiques est toujours aussi pertinent après 70 ans

Pour faire sa place dans l’univers médiatique surchargé, certains relationnistes y vont de toutes sortes de trouvailles. Il y a quelques années, des collègues avaient fait parvenir des boîtes de beignes dans les salles de rédaction pour attirer l’attention des journalistes sur l’arrivée de la bannière Krispy Kreme à Montréal. Tous les médias en avaient parlé!

Mais quand le produit à promouvoir auprès de nos voisins du Sud est intangible, comme le savoir. Quand vos projets de recherche de scientifiques suscitent du scepticisme chez des Américains, comme les changements climatiques par exemple.

Comment diffuser un message qui soit jugé crédible par cette population qui vient tout juste d’élire un vice-président qui s’est déjà affiché en tant que climatosceptique et créationniste?

Et, surtout, comment s‘y prendre quand le président lui-même attire toute l’attention médiatique sur lui?

Simple, on développe une stratégie de relations publiques audacieuse et on élabore un message simple tout en étant fort et percutant. Et, tant qu’à y être, pourquoi ne pas y aller à fond la caisse: n’annonçons rien de moins que l’apocalypse !

Mais invoquer l’apocalypse pour attirer l’attention est-il un gage de succès assuré?

Non, pas si ce n’est pas fait selon certaines règles de bases et que le message n’est pas transmis avec doigté (on évoque la fin du monde, quand même!) et avec rigueur. Du bonbon pour des scientifiques férus de rigueur conseillés de communicateurs passionnés ayant du flair.

Vous avez tous entendu parler cette nouvelle parue en janvier à propos de l’horloge de la fin du monde (ou horloge de l’apocalypse) qui indique qu’il est désormais minuit moins deux minutes et demie (23:57:30) avant l’apocalypse. L’idée est percutante, mais il fallait ramener ce concept médiatique au goût du jour.

 

Horloge de la fin du monde (Doomsday Clock en anglais), est une horloge conceptuelle créée peu de temps après le début de la guerre froide et régulièrement mise à jour depuis 1947 par les directeurs du Bulletin des scientifiques atomistes de l’Université de Chicago. L’horloge utilise l’analogie du décompte vers minuit pour dénoncer le danger qui pèse sur l’humanité du fait des menaces nucléaires, écologiques et technologique. Wikipédia (photo: Business Insider; Shutterstock)

La guerre froide étant terminée depuis longtemps; la menace d’une guerre nucléaire est donc moindre et ne suscite plus autant la peur qu’à l’époque de la crise de la Baie des Cochons.

Il a donc été décidé de réactualiser le concept de l’horloge de la fin du monde pour y intégrer un nouveau critère qui côtoie désormais la menace atomique: les changements climatiques. Un beau coup de génie pour l’équipe de Hastings Group, la firme de relations publiques qui a appuyé les directeurs du Bulletin des scientifiques atomistes de l’Université de Chicago pour envoyer un message fort au nouveau président quant aux changements climatiques

Les cinq clés pour comprendre le succès de l’annonce de the Bulletin of the Atomic Scientists’ Science and Security Board.

  1. Utilisation judicieusement d’un concept original et largement connu par un très grand nombre d’Américains. Cette horloge a inspiré de nombreux artistes d’hier et d’aujourd’hui, comme Dan Brown qui y fait référence dans son récent livre Inferno.
  1. Adaptation réussie d’un concept de relations publiques qui se faisait vieux, la Doomsday Clock qui annonce la guerre nucléaire, pour y intégrer un nouveau critère plus moderne et davantage d’actualité (les changements climatiques);
  1. Le concept de l’horloge est simple à comprendre: à minuit, ça fera boum !
  1. Le message à transmettre au président Trump a été repris par les médias, car il était simple : les scientifiques atomiques de l’Université de Chicago enjoignent à la nouvelle administration Trump de reconnaître de manière claire que les changements climatiques sont provoqués par l’activité humaine.
  1. Le tic-tac de l’horloge fait appel à un puissant sentiment : la peur. Et nous voulons tous connaître ce qui peut nous faire peur. Alors on tend l’oreille.

La communication faite par les scientifiques était sobre et classique: une conférence de presse traditionnelle, des scientifiques assis derrière une table nappée, une « horloge » imprimée sur un coroplast simplement recouvert d’un voile en attendant son dévoilement. Pas de fioritures. Pas de bébelles. Toute la stratégie reposait sur le message.

C’est la preuve, une fois de plus, que lorsque le message est pertinent, les médias s’y intéressent.

« Is everyone afraid? », demande Smashing Pumpkins dans sa chanson Doomsday Clock: https://www.youtube.com/watch?v=z1k1s9n16fs

Patrick Howe

Associé et cofondateur